Chirurgie domestique (ou l’art macabre de tisser la vérité dans la chair)

Bienvenue dans une clinique domestique où la médecine devient bricolage intime. Ici, on opère les angoisses comme des tumeurs, on recoud les visages à l’envers et on transforme l’appartement en salle de dissection. Entre tendresse macabre et artisanat chirurgical, la chair devient matériau, et chaque suture une vérité cousue à vif.

Je n’ai jamais fait d’école de médecine.
Mais j’ai appris sur moi. Et sur mes proches.
La première fois que j’ai opéré, c’était pour retirer une angoisse logée dans le thorax de ma sœur.
Elle pleurait tout le temps.
Alors je lui ai dit : “Viens, on va ouvrir.”
Je l’ai couchée sur la table à repasser.
J’ai pris un scalpel acheté sur Temu.
J’ai dessiné une croix sur son sternum avec du ketchup, pour la forme.
Puis j’ai incisé.
Lentement. Amoureusement. Comme on ouvre un colis fragile.

L’intérieur était magnifique.
Des poumons comme des oreillers sales.
Un cœur qui battait comme une alarme molle.
Et au centre : une masse noire, visqueuse, l’angoisse, logée entre deux côtes comme une tumeur en pleurs.
Je l’ai retirée.
Je l’ai mise dans un tupperware.
Je l’ai congelée.
Elle est toujours là, à côté des glaçons.

Depuis, je suis devenue chirurgienne intime.
Je fais des interventions dans mon salon.
– Une greffe d’oreille dans l’omoplate.
– Une inversion des fesses et des genoux.
– Une ablation volontaire des souvenirs d’enfance, par excision cérébrale rétro-nasale.
Je n’utilise pas d’anesthésie.
Je préfère les hurlements.
Ça aide à localiser la douleur.

Ma mère m’a demandé de recoudre son visage à l’envers.
Pour “ne plus voir comme avant”.
Je l’ai fait.
Maintenant, elle pleure dans son front et sourit sous ses paupières.

J’ai transformé mon appartement en clinique vivante.
Les murs sont tapissés de lambeaux humains.
Les poignées de porte sont faites avec des phalanges.
Le tapis est un cuir chevelu cousu avec du fil dentaire.
Je dors sur un matelas rempli de graisse humaine.
C’est moelleux.
Et ça conserve la chaleur affective des anciens patients.

J’ai compris une chose :
La chair ne ment jamais.
Elle se découpe.
Elle s’ouvre.
Elle révèle.
Et moi, je coupe, je couds, je crée.
Une suture à la fois.


Je dors sur la graisse des morts.
C’est chaud. C’est doux.
Ça ne ment pas.
Je collectionne leurs cicatrices.
Et la nuit, quand je ferme les yeux, ce sont elles qui me regardent.

Je couds leurs morceaux comme des trophées.
Et la nuit, leurs yeux ouverts me racontent ce que je suis devenue.

Je rassemble leurs fragments pour sentir que je tiens encore.
Et la nuit, ils se réveillent sous ma peau.

Je me fonds dans leurs chairs pour oublier la mienne.
Et la nuit, ils respirent à ma place.

Je m’enfonce dans leurs os pour éteindre ma propre peur.
Et la nuit, ils bougent dans l’obscurité.

Je me couche dans leurs corps pour que le silence parle.
Et la nuit, leurs mains m’attrapent.


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