Intravaginaire

Un voyage grotesque et visionnaire où le corps devient architecture, billetterie et business. Entre sexualité détournée, bricolage chirurgical et absurdité futuriste, la chair se transforme en lieu de passage — jusqu’à effacer la personne derrière l’infrastructure.

Je n’ai jamais vraiment aimé le sexe pénétratif. Trop de friction, pas assez de surprise.
J’ai toujours préféré les choses qui s’insèrent avec sens : les idées, les outils, les objets tranchants.
Les sexes, eux, ne savent pas entrer. Ils cognent. Ils répètent.
Alors j’ai décidé de reconstruire mon intérieur.

J’ai commencé par m’auto-explorer. Pas avec les doigts. Avec une caméra endoscopique achetée sur un site pour plombiers amateurs. Je me suis filmée en live. Je voulais voir ce qui se cachait là-dedans depuis toutes ces années d’hétérosexualité molle. J’y ai vu des choses…
Une pièce vide tapissée de peau muette, comme un vieux salon sans canapé.
Alors j’ai fait le plan.
Mon utérus allait devenir un parc à thème.

Première étape : la pose d’un rail.
Un mini rail circulaire vissé aux parois vaginales. J’ai utilisé une agrafeuse à cuir, très efficace sur les tissus vivants. Ensuite, j’ai monté un petit chariot motorisé — une capsule de vibromasseur modifié — capable de transporter des passagers de petite taille. Genre Ken. Ou un fœtus momifié.

Deuxième étape : les attractions.
– Un tunnel de clitoris hurlants (imprimés en silicone, alimentés par un petit moteur vibreur).
– Une centrifugeuse cervicale (interdite aux plus de 12 ans).
– Une fosse à sperme (remplie de slime végétalien fait maison, avec une consistance impeccable).

Troisième étape : le système de billetterie.
J’ai tatoué un QR code juste à l’entrée.
Il redirigeait vers une interface payante : “1 ride = 7,99€”.

Le premier à tester fut Anton, un homme doux, poilu, cultivé, vegan et consentant. Je l’ai couché sur le dos, j’ai inséré le petit train dans mon vagin. Il regardait l’écran relié à la caméra :
« On dirait que ça s’ouvre… comme un musée vivant. »
Je lui ai dit :
« Bienvenue dans la matrice. Au sens biologique du terme. »
Il a pleuré à l’arrivée dans le tunnel de vulves chantantes.
Puis il a joui dans son caleçon, sans même que je le touche.
J’étais trop occupée à remplir mon orifice d’infrastructures.

En un mois, j’ai élargi le concept.
Mon vagin est devenu un lieu.
Puis une destination.
Puis un business.
J’ai reçu des couples. Des célibataires. Des familles (avec caution parentale).
Un soir, j’ai même accueilli une équipe de tournage qui voulait tourner un documentaire sur “les sexualités de demain”.
Je leur ai dit :
« Demain ? Non. C’est maintenant. »

Mais comme tout parc à thème, le mien a commencé à se fissurer.
Un jour, le petit train a déraillé.
Il a lacéré ma paroi vaginale en spirale.
J’ai pissé du sang fluo pendant trois jours.
Une autre fois, un visiteur a laissé un AirTag dans un faux anus pour “retrouver le chemin plus tard”.
J’ai dû appeler un gynéco hacker pour le désactiver à distance.
La dernière fois, une drag-queen norvégienne y a coincé sa perruque entière.
Il a fallu une pince à barbecue pour l’extraire.

J’ai fermé le parc.
Officiellement, pour rénovation. Officieusement, parce que j’étais devenue un lieu et plus une personne.
Maintenant, je vis recluse.
Mais parfois, dans le silence de la nuit, je sens encore le petit train qui tourne en boucle à l’intérieur.
Je n’ai jamais retrouvé l’interrupteur.
Il tourne. Il tourne. Il tourne.
Et moi, j’attends le prochain passager.


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