J’ai accouché un dimanche matin, à 11h34, juste pendant la messe.
Le médecin m’a dit : « Poussez comme si vous vouliez expulser votre péché originel. »
J’ai poussé.
Et j’ai senti sortir, non pas un bébé, mais un corps sacré.
Il est né blanc, rond, sec, comme une hostie géante.
Il ne pleurait pas. Il croustillait.
Il avait une croix marquée au centre du crâne.
Ses yeux étaient deux petits grains de poivre.
Le prêtre est venu bénir mon vagin.
Il a murmuré : « Ceci est le corps de Christ, réincarné dans la farine de ta chair. »
On l’a mis sur un autel.
J’ai été déclarée sainte mère-pâtissière.
Tous les dimanches, ils en découpaient un morceau.
À la lame de rasoir.
Un peu de chair du fils.
Un bout d’amour croquant.
Ils disaient : « Amen. »
Ils mâchaient.
Ils souriaient.
Moi, je suais.
À Pâques, ils l’ont mis dans un four.
Pour le “ressusciter”.
250°, chaleur tournante.
Il a gonflé comme un pain de vie.
Quand ils ont ouvert la porte, il a crié.
Un son de cloche inversée, venu du fond du ventre.
Ils ont dit : “Le miracle !”
Moi, j’ai juste vu mon fils se dessécher, se fissurer, s’émietter.
J’ai demandé à le reprendre.
Ils ont dit : « Il ne t’appartient plus. Il est partagé. Il est digéré. Il est dissout dans nos âmes. »
Alors j’ai bouilli une cuve d’eau bénite.
J’ai balancé l’autel dedans.
J’ai noyé les cierges.
J’ai bu le vin, cul sec.
Et j’ai chié l’hostie.
Entière.
Mon fils, sorti de mon cul, enfin revenu à moi.
Je l’ai re-mangé.
Depuis, je communie seule, chez moi.
Je fais mes propres messes.
Je me livre à moi-même.
Je suis mon Église.
Ma bouche est l’autel.
Mon utérus est le tabernacle.
Et dans mes entrailles, le pain reste vivant.


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