Je m’appelle Clémence. Je suis végétarienne.
Mais mon corps ne l’est plus.
Depuis deux mois, ma bouche n’est plus l’organe le plus vorace de mon anatomie.
Tout a commencé par une pulsation étrange sous ma cage thoracique. Une sorte de gargouillis permanent, comme si mon estomac appelait quelque chose qui ne venait pas de moi.
Puis un jour, en pleine réunion de travail, j’ai vu.
Mon nombril s’est ouvert.
Pas comme une cicatrice. Non.
Comme une gueule.
Avec des dents. Et une langue. Et une salive chaude comme de l’huile.
J’ai cru à un délire. Un surmenage.
Mais le soir, en rentrant, j’ai senti qu’il avait faim.
Et sans réfléchir, j’ai pris le chat.
Il dormait. Tout petit.
Je l’ai posé sur mon ventre.
Le nombril a happé la bête.
D’un coup sec, gluant.
Et j’ai ressenti un orgasme profond, quelque chose entre l’extase et l’abandon digestif.
Depuis, je me nourris à l’envers.
Je mange avec mon ventre.
Je digère les autres.
Pas symboliquement. Pas affectivement.
Physiquement.
Mon torse est devenu un tunnel.
Mes côtes se déboîtent.
Mes chairs s’écartent comme les rideaux d’un théâtre, et je mange les gens que j’aime.
Le premier humain ?
Mon ex. Je lui ai dit : « Reviens, j’ai changé. »
Et c’était vrai.
Je l’ai serré fort.
Et j’ai senti ses hanches s’enfoncer lentement dans ma peau.
Il hurlait.
Mais plus il hurlait, plus mon ventre grognait de plaisir.
Je garde leurs chaussures.
Les montres.
Tout ce que mon ventre ne digère pas.
C’est mon placard à trophées.
Je le regarde avant de dormir. Ça m’aide à faire de beaux cauchemars.
Je ne suis plus humaine.
Je suis l’utérus du monde.
Je mange. Je fusionne. Je fais disparaître.
Et parfois, au fond de moi, je sens qu’ils sont encore là.
Mes proies digérées, comme des rêves qui fermentent.


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